MADE IN DÉCEMBRE


EDITO

JOUER A QUI EST CE OU AU SCHMILBLICK

La fin de l’année est marquée par les demandes de subventions et notre relogement attise la curiosité des différents partenaires.

Il nous faut nous définir, présenter notre projet, l’évaluer, le quantifier, le faire briller, répondre à toute sorte de questions.

Un peu comme si on jouait à Qui-Est Ce ? ou au Schmilblick.

On pourrait croire que c’est simple :

Est-ce que la Friche est un homme ?

Non.

Est-ce que la Friche est presque ronde, contient du jaune, tient dans la main, qu’on peut la faire cuire de différente façon et qu’un navigateur la faisait tenir debout ?

Non.

Ou alors :

Est-ce que la Friche est un incubateur dédié à l’émergence ?

Non ; pas spécialement ; mais si vraiment vous tenez à ces mots, on peut discuter.

Est-ce que la Friche est une initiative issue de la société civile ?

Oui ; société civile à forte dominante artistique.

Est-ce que la Friche comporte des passagers clandestins ?

Oui ; elle est née de passagers clandestins.

Mais en réalité, on a commencé à s’en rendre compte, ça n’est pas simple :

Est-ce que la Friche accueille du public et combien ?

Voir typologie de publics et chiffres détaillés dans l’annexe au cerfa en pièce jointe.

Est-ce que la Friche est une opération d’urbanisme transitoire commanditée par une municipalité, un bailleur social et un promoteur ?

Non ; mais elle occupe temporairement un site municipal, elle sera certainement relogée d’ici 15 ans pour laisser la place à des écoles ; quant à savoir si le territoire s’enrichira de notre présence, nous aurions besoin de définir ensemble les critères éligibles à l’objectif d’enrichissement.

Est-ce que la Friche est vivante ?

Oui ; des fresques à plusieurs mains sont apparues dans les couloirs de Ronfard pour cacher un peu le parpaing ; l’exposition Rêve de Forêt vient de réunir 2 artistes et 30 spectateurs ou 30 artistes et 2 spectateurs ; une scénographe bombait un décor à l’aérosol dans les couloirs hier, ça sentait la peinture jusqu’au 2e ; 3 plateaux dorment, car il y fait trop froid, il faut encore isoler le toit ; le mur végétal a été couvert pour ne pas souffrir du gel ; un marché de noël accueillera le 15 décembre les voisins et les curieux au 11 rue Claudius Pionchon ; un boeuf bourguignon mijotait dans la cuisine ; des personnes se forment à l’utilisation du massicot professionnel ; la poignée de porte qui ouvre l’accès au réfectoire depuis la cour principale a cassé pour la 4e fois, le menuisier mise sur « une mauvaise utilisation de la porte », les usagers se demandent comment mal utiliser une poignée de porte et misent sur une trop grande fréquence d’enclenchement de ladite poignée pour le matériel choisi.

À Qui-Est Ce ? ou au Schmilblick, l’interlocuteur attend une réponse rapide et il est souvent plus disposé à continuer le jeu s’il peut faire appel à une représentation familière ou majoritairement reconnue.

C’est sûr, ce serait plus simple.

Si la Friche était un homme.

Si elle était ronde, qu’elle tenait dans la main, qu’on pouvait la faire cuire de différente façon et qu’un navigateur la faisait tenir debout.

 

Maud Lechevallier
[Les éditos de Made In Lamartine sont à chaque fois rédigés par des plumes différentes, ce sont des interprétations subjectives d’usagèr·es de la Friche Lamartine]