Comment peut-on être Lamartinien.e à Lyon (69) au XXIème siècle ?
Plusieurs réponses peuvent-être apportées, la plus évidente consiste à être un.e fervent.e lecteur.trice du poète Alphonse de Lamartine (1790-1848). Mais ici évidence ne rime pas avec fréquence.
L’autre réponse consiste à fréquenter la friche Lamartine référencée comme «lieu de recherches et de création artistique et culturel pluridisciplinaire ». La définition usuelle de « fréquenter » est : aller souvent dans un lieu où se déroule une activité, là artistique. Fréquenter c’est aussi avoir des relations habituelles avec quelqu’un, je cite notre ami commun G « un gars qui veut te fréquenter t’invite au restaurant, un gars qui veut coucher avec toi t’invite chez lui ». Que dire d’un gars qui t’invite à la friche Lamartine? Et ce gars est-il fréquentable ? G relaie-t-il des propos sexistes ?
Mais si fréquenter la friche Lamartine est une condition nécessaire pour être qualifiée de Lamartinien.e, reste à définir les relations qu’entretiennent ceux.celles-ci avec le lieu. Et surtout la notion de réciprocité (que m’apporte le lieu / qu’est-ce que j’apporte au lieu), comme dans…,comme dans ? Eh ben ? Comme dans l’amour.
Creusons.
Abandonnons le Larousse en ligne pour un détour par le Musée des Confluences, Lyon (69). L’exposition sur les coléoptères nous renseigne utilement : le coléoptère adopte trois types d’interaction avec les autres organismes.
Le mutualisme est un type de relation dans lequel deux organismes, sans que rien ne les y oblige, s’associent pour essayer de tirer un bénéfice de cette association. Exemple, les coléoptères qui creusent des galeries dans l’écorce des arbres et y installent des champignons qui les aident à se nourrir du bois.
Le commensalisme est une forme de relations entre deux organismes d’espèces différentes où un organisme bénéficie de l’autre sans l’affecter. Un petit cloporte tout blanc (4mm de long genre Platyarthrus) vit ainsi dans des fourmilières creusées dans la terre et s’y nourrit des boulettes de nettoyage et des déjections. Il agit donc comme un nettoyeur des fourmilières sans y être inféodé.
Enfin le parasitisme est une relation inégale : une interaction durable avec un hôte, contrairement à la prédation au cours de laquelle l’interaction ne dure guère que le temps de la capture et de la digestion. Cela dit, d’un point de vue évolutif, on peut dire que la prédation n’est qu’une forme extrême de parasitisme. Il existe des parasites tuant lentement leur hôte. Pas besoin d’exemple.
Reste à savoir comment ces trois formes de relation migrent car il ne s’agit bientôt plus d’être Lamartinien.e (c’est-à-dire de fréquenter le 28 rue Lamartine dans le 3ème arrondissement de Lyon, 69) mais de devenir Lamartinien.e dans les rue Tissot, Pionchon et Ronfard (et ce dès juillet 2019 !). Peut-on continuer à être Lamartinien.e sans lire Lamartine, sans fréquenter la Friche rue Lamartine, sans être dans une relation mutualiste avec l’association Lamartine (déclaration au JO le 25 septembre 2010) ? Serons-nous contraint.e.s de devenir des Tissotien.ne.s, des Pionchons ou des Pionchonnes, des Ronfardistes ? Comment interagirons-nous quand nous fréquenterons ces nouveaux espaces ? Quels seront nos échanges quand nous n’aurons plus le déménagement comme quasi unique sujet de discussion, cogitation et mobilisation ? Notre salariée sera-t-elle au chômage quand nous aurons emménagé ? Sera-t-on plus créatif une fois installé ? Survivra-t-on dans d’autres murs, plus blancs, plus propres, aux normes de sécurité ad hoc, insonorisés ? S’entendra-t-on ?
Isabelle Paquet / Chiloé
[ Les éditos de MadeInLamartine sont chaque fois rédigés par des plumes différentes, ce sont des interprétations subjectives d’usagers de la Friche Lamartine. ]
Photo : La Robinetterie, l’un des deux lieux dans lesquels le collectif Lamartine emménagera au cours de l’été 2019